Révolution Alphalearning II
L’article ci-dessous est le fruit de plus de dix ans de préparation. Il comprend des dizaines d’entretiens avec médecins, scientifiques, entreprises et familles connaissant le travail de l’institut Alphalearning, ainsi que la participation à trois de ses cours de formation.
Des variantes de cet article ont été publiées dans de nombreux magazines, revues et journaux à travers le monde. M. Marshall a découvert pour la première fois une démonstration de Brainwave I en juin 1992 lors d’une conférence internationale sur la technologie New Edge. Il a achevé son premier article en septembre 1995 (en voici le texte intégral), après avoir interviewé des dizaines de dirigeants, de scientifiques et de familles à travers l’Europe et participé aux cours avec Kris et la famille Van Es.
Au cours de l’année écoulée (de juillet 2002 à juin 2003), il a interviewé aussi bien d’anciens que de nouveaux clients pour ce nouvel article de fond.
La Révolution Alphalearning II
Texte de Jules Marshall & Photographies de Floris Leeuwenberg
Copyright 1995 – 2003 : Jules Marshall / TCS. Tous droits réservés
À l’institut Alphalearning, il se passe quelque chose de très spécial. Spécial, incroyable, révolutionnaire – et même effrayant. Et pour reprendre les mots de son directeur de la recherche : « C’est absolument formidable. »

Je suis dans la charmante et pittoresque ville suisse de Lugano, au bord du lac, pour suivre un cours de cinq jours facturé 1 000 € par jour, intitulé avec une simplicité trompeuse « Cours Apprendre à Apprendre ». Je dis « trompeuse » car, en substance, mes camarades de formation et moi-même allons apprendre à pratiquer une forme d’auto-neurochirurgie, c’est-à-dire à « opérer un changement immédiat et irréversible dans notre cerveau ». Pour 5 000 $ supplémentaires, nous pourrons repartir avec l’outil permettant de le faire. Sommes-nous fous ou bien les précurseurs d’une révolution dans l’éducation et la médecine ?
Le cours Apprendre à Apprendre est dispensé par l’Alphalearning Institute comme prérequis à l’achat de son Brainwave I, un électroencéphalographe (EEG) sophistiqué et un programme de « formation cérébrale » (ou, pour être précis, d’entraînement). Associé à un PC, un casque audio et 32 minuscules voyants LED dorés fixés sur une monture de lunettes, il constitue un outil au potentiel si remarquable qu’il suscite à parts égales l’enthousiasme et la crainte de son inventeur et directeur de l’institut.
Participent à ce cours deux thérapeutes qui souhaitent intégrer le système à leur pratique de santé alternative à Toronto, ainsi qu’une Suissesse chargée de rédiger un rapport pour le canton du Tessin sur la politique éducative à venir (rapport qui recommandera ultérieurement l’intégration rapide de la technologie Alphalearning dans l’enseignement). Un dirigeant néerlandais, qui monte un cabinet de « superlearning » et auquel on a indiqué que la technologie Alphalearning est incontournable dans ce domaine, nous rejoint en milieu de semaine pour son deuxième cours.
Au cours de la semaine, nous allons utiliser l’EEG et la machine de lumière et de son en combinaison avec des techniques anciennes et modernes bien établies de modification non chimique de l’esprit : de l’hypnose et la visualisation, au biofeedback, à la Programmation Neuro-Linguistique (PNL), aux exercices oculaires et au Mind Mapping. Ensemble, ces méthodes constituent un système qui étire et détend le cerveau avant de le ramener en équilibre, tout en fournissant les outils pour le maintenir en équilibre, y intégrer puis en extraire davantage d’informations, plus rapidement.
En plus de nos objectifs professionnels, on nous promet des avantages personnels comprenant la possibilité de doubler voire tripler notre vitesse de lecture sans perte de rétention d’information, de gagner jusqu’à 20 points de QI et d’acquérir un degré de contrôle de notre état cérébral qui, pendant des millénaires, nécessitait traditionnellement de longues années de pratique. Tout cela en cinq jours.
Cela peut sembler tiré par les cheveux. Mais cela ne le rend pas pour autant frauduleux ou faux – même s’il est peut-être difficile à « prouver » d’un point de vue scientifique. Et cela n’a pas empêché des centaines de cadres de nombreuses multinationales (p. ex. Olivetti, Raychem, KLM, Ford, Fisons), de personnalités fortunées (des banquiers suisses aux princes saoudiens, sans oublier des figures de renom comme Richard Branson), de pilotes de Formule 1 (p. ex. David Coulthard), de banquiers, d’officiers militaires dans plusieurs pays et d’athlètes olympiques de suivre ce cours. Ils restent tout simplement discrets à ce sujet.
J’ai été en contact intermittent avec l’Institut au cours des huit dernières années, depuis que nous avons écrit notre premier article après deux ans de recherches, avec reportage photo sur plusieurs familles en formation. L’Institut a déménagé successivement des Pays-Bas vers l’Allemagne, puis Hong Kong et la Corée, avant de s’établir à Lugano. J’ai échangé avec de nombreux participants, et les récits qu’ils font des effets supplémentaires – parfois extraordinaires – du cours risquent de susciter l’incrédulité furieuse de plusieurs instances médicales, tout en plaçant l’institut dans la ligne de mire de la Federal Drug Authority, le gardien intraitable des licences médicales et pharmaceutiques aux États-Unis et, par extension, dans le monde entier.
La matinée du cours Apprendre à Apprendre, Jour 1, débute de façon assez banale. Les participants découvrent le fonctionnement du cerveau : sa structure, ses modes d’attention, de mémorisation et de rappel, etc. C’est intéressant, dynamique et bien présenté, mêlant éléments scientifiques, anecdotes et exemples.
Certaines informations se révélaient plutôt non orthodoxes quand il les a présentées au début des années 1990 : « la plupart des gens souffrent d’une forme de dommage cérébral, mais cela peut se réparer » ou encore « les ondes cérébrales sont contagieuses » (le cerveau émet autant qu’il reçoit), par exemple. Toutefois, ces affirmations, issues de conceptions tibétaines et d’autres traditions orientales du cerveau observées depuis des millénaires, ne sont pas seulement confirmées par les résultats et la pratique de l’institut. Tout au long des années 1990 – la Décennie du Cerveau, marquée par une croissance sans précédent de nos connaissances sur cet organe complexe et fragile –, la science est peu à peu venue les étayer aussi.
Une fois suffisamment informés, nous passons l’après-midi à notre première séance sur l’EEG/la machine cérébrale. Après un bref test standardisé pour détecter d’éventuels dommages cérébraux, et une captation vidéo d’éléments visibles comme la symétrie du visage et la démarche (qui sont susceptibles de se modifier au moment de l’équilibrage du cerveau, à tel point qu’il est parfois difficile pour le sujet d’y croire plus tard), nous nous préparons, non sans une certaine fébrilité, à passer chacun notre tour.
Un EEG (électroencéphalogramme) est enregistré en fixant quatre petits câbles provenant d’une boîte grise ordinaire sur la tête du participant à l’aide d’électrodes adhésives, afin d’observer l’activité du cerveau sur l’écran de l’ordinateur. Cet enregistrement est ensuite analysé pour repérer les zones « faibles » et « fortes » du cerveau, comme l’indiquent l’amplitude des ondes et l’équilibre de l’activité entre la gauche et la droite, ainsi qu’entre l’avant et l’arrière.
Des lumières et un casque audio sont utilisés pour diffuser certaines fréquences destinées à synchroniser les quatre grandes zones du cerveau (l’avant et l’arrière, la gauche et la droite). Le programme précis dépend des résultats du premier EEG. Des exercices de biofeedback sont effectués, permettant à l’utilisateur d’entendre et de voir ses propres fréquences cérébrales ainsi que l’équilibre entre les hémisphères gauche et droit. Grâce au phénomène d’entrainment (voir l’encadré), le cerveau est attiré par les sons et les images de l’équilibre parfait et, de ce fait, s’équilibre et s’ajuste de lui-même.
Un deuxième EEG est ensuite enregistré afin de le comparer au premier et de mesurer l’impact de la séance d’entraînement. Cet EEG sert également à déterminer les paramètres de la séance suivante pour les fréquences lumineuses et sonores. L’ensemble de cette séquence dure environ 30 minutes. Et, de fait, nos EEG montrent que nos cerveaux sont plus équilibrés et que ce changement est permanent.
Au cours des jours suivants, la séance est répétée plusieurs fois, en combinaison avec les autres techniques mentionnées plus tôt. Par exemple, après plusieurs écoutes d’un enregistrement hypnotique de visualisation pour familiariser le cerveau avec un état alpha relaxé – l’état idéal pour assimiler de nouvelles informations –, on utilise le logiciel Lotus pour nous « placer » dans cet état, puis la PNL (Programmation Neuro-Linguistique) pour « ancrer » cet état et pouvoir y accéder instantanément par la suite, à volonté.
Tout au long de la semaine, on assiste à une bonne dose de psychodrame de la part d’Alphaearning, car « apprendre à apprendre » revient essentiellement à amener son cerveau à accepter le changement ; or, beaucoup d’entre nous lui résistent en érigeant des défenses psychologiques à la fois élaborées et fondamentales, qu’il faut abaisser. En pratique, sur cinq jours, la salle est chargée d’émotion, débordant parfois dans les espaces communs du grand hôtel où se déroule le cours (au grand plaisir du propriétaire, qui n’avait pas vu autant d’animation depuis fort longtemps).
Cependant, ce drame n’est rien comparé à ce qui se produit lorsque l’autre versant de l’Institut se met en action : celui qui emploie cette technologie/système pour traiter un nombre croissant de pathologies et de handicaps difficiles, voire impossibles à soigner. Alphalearning a été développé comme un outil pour les cadres, un moyen de les aider à lire plus vite et à mieux retenir ; mais de nombreuses personnes ont obtenu des bénéfices inattendus, soulevant de profondes questions sur la notion de soi et la manière dont on préserve sa santé sous tous ses aspects.
L’objectif de la plupart des traditions religieuses, des arts martiaux et des guérisseurs, depuis au moins 5 400 ans, a été d’équilibrer les hémisphères gauche et droit du cerveau. L’idée était que le cerveau, le corps, l’esprit et l’émotion sont tous interconnectés et qu’en équilibrant l’un, tous les autres s’équilibrent également. Non seulement nous le ressentons de manière instinctive, mais la science confirme de plus en plus ce lien.
Diverses techniques (certains ouvrages en recensent plus d’une centaine) ont été développées et enseignées au fil du temps. Le Tai Chi en est un exemple classique : on se concentre sur l’équilibre du corps pour atteindre une harmonie physique et mentale. L’Aïkido illustre également la fusion de compétences physiques et d’une intention mentale. Là aussi, l’objectif premier est l’équilibre, d’abord physique, menant à une stabilité mentale et émotionnelle. D’autres méthodes ont vu le jour, comme les mantras (répéter un son – ou un mélange de couleurs – comme dans un mandala).
Ce que le directeur de la recherche a retenu d’un examen approfondi de la littérature et de la lecture de 680 ouvrages sur l’esprit et le cerveau (alors qu’un doctorant moyen n’en lit qu’une quarantaine dans son domaine) se combine à une vaste expérience directe des techniques ancestrales d’équilibrage cérébral durant les années 70 et 80 (il a étudié l’Aïkido, travaillé étroitement avec le Maharishi en Inde, et séjourné dans un monastère tibétain). Sa conclusion : des pratiques les plus exigeantes aux plus passives, elles fonctionnent toutes. Toutes orientent la connexion cerveau/corps vers l’équilibre et la stabilité – mais très lentement.
Une méthode plus rapide s’imposait. Les dirigeants d’entreprise ne voulaient pas s’asseoir sur un rocher à psalmodier pendant 15 à 20 ans ; ils voulaient une solution à grande vitesse. Mais comment ces techniques fonctionnaient-elles, et pourquoi ? Quelle en était la théorie ?
La lumière et le son sont utilisés depuis des millénaires pour influencer l’état d’esprit et les émotions de l’homme. Les premières formes, il y a 65 000 ans, étaient des danseurs rassemblés autour de feux créant les tout premiers effets de « stroboscope », tandis que des tambours rythmaient le tout. De même, le bourdonnement rythmique continu des chants bouddhistes tibétains peut transporter les moines et d’autres auditeurs dans des états de méditation euphorique. On savait déjà que des fréquences lumineuses et sonores plus basses poussaient les gens à se calmer et à mieux apprendre. De plus, cet effet était rapide (quoique éphémère).
Dans les années 1970, les premières machines électroniques programmables de lumière et de son ont vu le jour en Californie. Initialement conçues pour intensifier l’écoute musicale et favoriser la méditation, elles ont rapidement suscité de l’intérêt pour l’apprentissage du contrôle des ondes alpha par biofeedback.
Le problème des machines à lumière et son, c’est qu’il fallait pratiquer 40 à 60 minutes par jour pour obtenir un effet mesurable sur le cerveau – et continuer indéfiniment pour le maintenir. La plupart des gens ne sont pas prêts à y consacrer autant de temps. Autre difficulté : si ce matériel pouvait aisément modifier les fréquences cérébrales, et donc agir sur les processus mentaux et physiques du corps, son effet ne durait pas. Lumières éteintes, effet éteint.
L’Alphalearning Institute s’est alors fixé pour objectif de préserver ce changement une fois les lumières éteintes. Trois ans d’essais ont été nécessaires pour déterminer les bons paramètres – fréquences lumineuses et sonores, différents facteurs d’entrée et de sortie, combinaisons d’autres techniques non technologiques – avant d’aboutir à un système qui a très peu changé en dix ans. Parce qu’il fonctionne. Il permet d’apprendre à équilibrer soi-même son cerveau en 30 à 35 heures, tout en acquérant la capacité d’entrer en état alpha à volonté.
Un mélange de sciences dures, de sciences humaines, de parascience et de philosophie orientale… Cette différence radicale a toutefois posé des difficultés à Alphalearning. Peter Selkirk, cadre dirigeant chez Raychem UK (qui a cofinancé l’étude initiale avec Raychem Belgique. Heinkel et ICL en étaient également partenaires), explique : « À mesure que des managers de plus haut niveau participaient au cours, le problème de l’acceptation de cette méthode prenait de l’ampleur. Dans quelle mesure était-ce “mainstream” ? À quel point Raychem était-elle prête à explorer des domaines en marge de la science ? C’est révélateur de la crainte qui entoure le fait de dépasser certaines frontières scientifiques, et il est effectivement très difficile de distinguer un charlatan d’un innovateur. »
Il a suivi le cours début 1994. « Je comprends leurs réticences. Pourtant, j’étais enthousiaste et ravi de cette formation. » Bien qu’apprécié de ceux qui l’ont testé, le cours n’a jamais gagné le grand public, comme pourrait le faire une formation aux techniques de vente, par exemple. « C’est l’une des frustrations d’Alphalearning, et on le comprend, » poursuit Selkirk. « Des lunettes et un casque pour améliorer votre cerveau ? Il faut un certain temps pour l’accepter. »
Mais Peter Selkirk et son épouse Cornelia n’ont plus eu le moindre doute dès lors que leur fils Harry a essayé la station de travail Brainwave I, un événement qui allait changer l’orientation même des recherches de l’Alphalearning Institute.
Un certain nombre « d’anomalies » bénéfiques s’étaient déjà produites durant les premiers tests auprès des cadres : de petits tics étranges et des problèmes de santé de longue date avaient disparu. Le bouche-à-oreille a fait le reste : des parents ayant suivi le cours ont commencé à y emmener leurs enfants handicapés. En février 1994, Harry Selkirk n’avait que deux ans – écartant ainsi toute crainte d’un effet placebo. On l’emmena à une séance au Royaume-Uni, le même jour où arrivait un nouveau lot de LED destiné aux lunettes.
Pendant un certain temps, ils avaient soupçonné que la fréquence lumineuse utilisée – la même que celle de la flamme la plus intense (610 nanomètres) – ferait la différence, rendant les changements permanents. Mais la réaction de Harry les a ébahis. Un pied bot (équinovarus) qu’il avait depuis la naissance s’est redressé sur-le-champ, en une seule séance de 12 minutes, et il est resté droit.
Au cours des mois suivants, ces « anomalies » de santé ont continué à se manifester. Il ne s’agissait plus seulement d’améliorations au niveau de la concentration, de la confiance en soi, des éruptions cutanées, de la dépression ou du contrôle de la douleur, mais aussi de soins contre les addictions, les troubles de l’attention, divers types de dyslexie, et même de cas d’épilepsie qui ont pu s’affranchir totalement des médicaments initialement nécessaires pour contrôler la maladie.
Il devenait de plus en plus évident – du moins pour eux – que ce qui n’était au départ qu’un moyen d’aider les cadres à lire plus vite et à mieux mémoriser menaçait de se transformer en révolution médicale à part entière. L’institut devait déterminer sa raison d’être.
« Nous, à l’institut Alphalearning, ne pensons plus qu’il existait une quelconque différence fondamentale entre la dyslexie ou l’autisme et 50 à 100 autres “troubles du cerveau”. Nous croyons désormais que le dénominateur commun est une lésion électrique au niveau du cerveau. C’est simplement que des lésions dans différentes zones cérébrales provoquent des symptômes externes, à la fois physiologiques et psychologiques, » explique l’Alphalearning.
« Et nous pouvons les réparer. »
La notion de “preuve” est difficile à cerner – tout comme celle de “guérison”. D’un côté, on observe un recul quant au fait de voir dans la science la seule source de vérité. Mais comment, dès lors, convaincre les gens d’allégations aussi incroyables ? Comment mobiliser les pouvoirs publics et les organisations de santé pour soutenir et donner accès à une technologie jugée hérétique ?
En 2002, plus de 3 500 participants avaient déjà suivi le cours, et la liste des bienfaits incroyables n’a cessé de s’allonger. Moins spectaculaires mais tout aussi remarquables sont les modifications infimes, presque imperceptibles, qui apparaissent au fil de l’entraînement régulier avec Brainwave : des réflexes accrus, une clarté mentale et une vigilance renforcées, une intuition plus développée, et même un odorat amélioré.

Un universitaire avec qui l’Alphalearning a collaboré est le professeur Rainer Dieterich, psychologue et doyen de la faculté d’éducation à l’Université de la Bundeswehr à Hambourg, en Allemagne. Il trouve l’approche de l’Alphalearning prometteuse, car elle n’adhère à aucune théorie précise et n’est influencée par aucune idéologie – une rareté dans le domaine de la psychologie. Mais c’est précisément cette approche éclectique qui suscite le scepticisme chez certains scientifiques.
Le professeur Dieterich utilise ce système pour enseigner le français en accéléré à des officiers de l’armée (passant de 12 à 36 mots par heure). Il s’en sert également pour former des pilotes d’hélicoptère à mémoriser les 40 étapes d’évacuation d’un hélicoptère en détresse, ou pour apprendre aux parachutistes à retenir les 14 étapes d’un atterrissage sous parachute.
Pour l’instant, l’Alphalearning a décidé de concentrer ses revendications sur la dyslexie, un ensemble d’affections qu’il estime toutes liées à des lésions cérébrales et donc toutes traitables. Selon la National Adult Literacy Survey de 2002 aux États-Unis, 44 millions de personnes (sur les 191 millions d’adultes) se situent au niveau 1 – le plus bas niveau de lecture, ce qui implique « des difficultés à utiliser certaines compétences de lecture, d’écriture et de calcul jugées nécessaires à la vie de tous les jours ».
Près d’un cinquième des enfants des écoles primaires au Royaume-Uni sont officiellement reconnus comme ayant de graves difficultés d’apprentissage, soit le double d’il y a dix ans. On ignore le montant exact des dépenses publiques et privées, mais elles sont considérables. Une école spécialisée pour dyslexiques à Londres facture 5 625 £ par trimestre.
Quelle qu’en soit la cause (l’Alphalearning met en cause les pratiques obstétriques modernes) et indépendamment du coût financier, le coût social de cette catastrophe silencieuse est incommensurable. Sans lecture, pas d’accès au reste du cursus ; dans une économie de la connaissance, cela représente un handicap accablant. Et l’impact de l’échec répété sur l’estime de soi des enfants est dévastateur ; il n’est guère surprenant que 66 % de la population carcérale américaine soit considérée comme illettrée fonctionnelle.
Demandez à Julia Lowes ce qu’elle pense de la dyslexie. Son psychologue scolaire, spécialiste de la dyslexie, l’a déclarée « gravement dyslexique », en précisant qu’elle était l’une des six seules « vraies » dyslexiques qu’elle ait rencontrées en 16 ans. Finalement – et à contrecœur –, Julia a suivi le cours d’Alphalearning en 1994, poussée par son frère, qui avait découvert la méthode alors qu’il tentait désespérément de reprendre ses études universitaires après avoir subi un traumatisme crânien dans un accident de voiture.

« Trois heures après le début du cours, juste après ma première séance avec le Brainwave, j’ai appelé ma mère pour lui demander de m’acheter un livre, » raconte Julia.
« J’ai senti immédiatement, pour la toute première fois de ma vie, que je pouvais détendre suffisamment mon cerveau pour “voir” les mots. C’est difficile à décrire, et encore plus à enseigner : comment “détendre” son cerveau ? »
Depuis, ses progrès ont été constants : sa vitesse de lecture est passée de 3 mots par minute à 190 mots par minute.
Lorsque Julia et sa mère sont retournées voir son psychologue, celle-ci « a baratiné en évoquant tout un tas de facteurs susceptibles d’expliquer des changements, l’adolescence, etc. Elle a sauté 2 ou 3 sous-tests sur les 11 du test de QI de Weschler, pour ne pas avoir à analyser ou affronter les changements réels qui avaient eu lieu, des changements qui ne pouvaient provenir que du cours, » explique sa mère, Pippa. « Elle nous a littéralement fermé la porte au nez. »
Julia travaillait comme soigneuse de chevaux de course destinés aux compétitions olympiques. Quand elle a elle-même acquis un Brainwave I, elle l’a installé dans les écuries où elle travaillait. Rapidement, plusieurs cavaliers et entraîneurs ont remarqué combien deux des chevaux qu’elle soignait étaient devenus calmes : c’étaient justement ceux placés à côté de son ordinateur. Cela rappelait les affirmations de l’Alphalearning selon lesquelles « les ondes cérébrales sont contagieuses » – un phénomène qui, peut-être, s’étend aussi aux chevaux ?
Elle a pu vérifier cette théorie à Dubaï, où l’Alphalearning l’avait invitée pendant qu’il réalisait un cours privé pour deux cheiks. L’un d’eux possédait un cheval gris de 8 ans, impossible à approcher sans provoquer une grande détresse. Même le vétérinaire peinait de plus en plus à s’en occuper, même avec un licol, et il fallait livrer un véritable combat pour pouvoir le monter. Julia a posé le casque audio sur le cou de l’animal et tenu les lumières devant ses yeux – l’Institut en possède une vidéo – et, aussi incroyable que cela paraisse, le système semble agir également sur les animaux. « Il fallait voir les têtes des palefreniers ! » s’amuse Julia. « Leurs mâchoires se sont décrochées. Vingt minutes plus tard, le cheval me suivait comme un gentil chiot. »
Aujourd’hui, elle exerce en grande partie comme « chuchoteuse électronique pour chevaux » au Royaume-Uni. « Le monde équestre est très conservateur, et pourtant il se tourne de plus en plus vers des méthodes et thérapies alternatives, » explique-t-elle. « Les gens sont très sceptiques au départ. Je me souviens d’un vieux briscard qui trouvait ça complètement “grotesque” mais qui est resté bouche bée après une séance. Il ne pouvait pas croire qu’il s’agissait du même cheval. »
Mais sa véritable passion, c’est d’aider les enfants qui ont connu la même situation qu’elle. « J’ai vu tant de portes se fermer dans l’industrie de la dyslexie. Les instituts ne veulent tout simplement pas en entendre parler. Ils craignent de tous perdre leur emploi, alors que je suis convaincue qu’avec cet équipement, ils auront plus de travail, pas moins. »
La seule vraie preuve dans le cas d’Alphalearning réside dans la pratique. Il faut suivre le cours, essayer la machine pour y croire. Et tous ceux qui l’ont fait y croient, au point de soigner leurs proches et leur entourage avec.
Fin 2002, nous avons repris contact avec quelques-unes des familles que nous avions rencontrées et interrogées huit ans plus tôt : Karin, la mère de Kris, un enfant lourdement handicapé ; Jos, victime d’un traumatisme crânien après un accident de voiture, et sa famille. Ils ont tous été unanimes : le système les a aidés à mieux comprendre leur situation et à contrôler, voire inverser en partie leurs difficultés (voir légendes des photos et www.alphalearning.com pour plus d’exemples de cas, d’informations techniques, etc.).
Après cette fameuse Décennie du Cerveau, durant laquelle nous avons pu observer cet organe énigmatique avec une précision inédite, que pouvons-nous réellement faire de ce savoir ? « La plupart des systèmes en neurologie ne servent qu’à diagnostiquer, et rien de plus, » souligne le Dr Paulo De Faria. « On peut localiser l’origine du problème, mais que faire ensuite ? Peut-être proposer un certain exercice ou une forme de stimulation – écouter un son, jouer avec une balle – mais rien de ciblé, et toujours très lent. »
Tous ceux à qui j’ai parlé ont, sans exception, subi une violente fin de non-recevoir de la part du corps médical “traditionnel”, de psychologues, d’enseignants ou de spécialistes du cerveau.
Oui, le changement fait peur. Soigner un foie, c’est rendre quelqu’un en bonne santé ; soigner un cerveau, c’est toucher à l’identité même de la personne.
Pourtant, si ne serait-ce que la moitié des affirmations à propos de ce système sont vraies, cela pourrait annoncer une nouvelle ère dans notre compréhension de la relation entre l’esprit, le cerveau et le corps : en éducation, en santé, en réinsertion carcérale, dans le sport, et bien plus encore. Considérez nos écoles en difficulté, l’épidémie de troubles cérébraux chez les personnes âgées, les prisons pleines de personnes sans éducation, frustrées, prêtes à exploser.
La question est : que comptons-nous faire, en tant que société, gouvernement, entreprises ? Au cours des dix dernières années, faute de soutien ou de reconnaissance, les formateurs d’Alphalearning ont souvent eu envie de jeter toutes leurs recherches aux oubliettes. « J’ai eu peur de ce que je venais de découvrir, » confie-t-il. Les critiques peuvent avancer que cela ne devrait pas fonctionner – « et je n’ai ni idée ni avis sur la raison pour laquelle cela devrait ou non marcher, » ajoute-t-il, « mais ils ne peuvent tout simplement pas affirmer que cela ne fonctionne pas ; j’ai plus de 3 500 cas et leurs 40 000 EEG enregistrés pour prouver que ça marche. »
Note additionnelle:
Historique scientifique : fréquences des ondes cérébrales
La première tentative d’appréhender les états cérébraux d’un point de vue scientifique remonte à une centaine d’années, lorsque le biologiste britannique Richard Caton découvrit que le cerveau émettait des impulsions électriques. Ces « ondes cérébrales » sont des signaux électriques produits dans le cerveau de chaque individu, résultant de l’action combinée d’environ 100 milliards de cellules nerveuses interconnectées.
Les fréquences des ondes cérébrales sont exprimées en hertz (Hz), c’est-à-dire en cycles par seconde, et sont mesurées sur un EEG. Des études ont prouvé que les fréquences cérébrales déterminent (et ne font pas qu’indiquer) l’état cérébral dans lequel nous nous trouvons à un moment précis.
En mesurant la production d’ondes cérébrales à l’aide d’un EEG, il est possible de suivre les fréquences associées à divers états du cerveau sur un écran d’ordinateur. Les quatre grandes catégories de fréquences d’ondes cérébrales et leurs principales caractéristiques sont les suivantes :
- Les ondes bêta (de 14 à 30 Hz). D’ordinaire, elles se caractérisent par une pensée logique, analytique et intellectuelle. Elles correspondent à notre état d’éveil et de concentration.
- Les ondes alpha (entre 7 et 12 Hz). Elles apparaissent généralement lorsque nous sommes calmes et détendus, tout en restant mentalement alertes et en phase d’apprentissage. Elles tirent leur nom du fait qu’elles sont les premières ondes cérébrales à avoir été enregistrées par la science.
- Les ondes thêta (de 3 à 5 Hz). Elles se manifestent dans un état de profonde relaxation et d’introspection. Elles sont associées au stockage et au rappel de la mémoire, à l’assimilation de nouvelles informations avec une forte rétention, à une motivation renforcée pour atteindre ses objectifs, à des poussées de créativité, d’intuition et à l’adoption de nouveaux schémas de comportement.
- Les ondes delta (de 0,5 à 2 Hz). Elles sont liées à un état de relaxation extrême, caractérisé par le sommeil et la gestion de la douleur.
Chacun de ces motifs électriques représente une façon nettement distincte de percevoir, de traiter, d’apprendre et de comprendre l’information (en réalité, tous les types d’ondes sont produits en permanence, mais l’une d’entre elles domine les autres selon l’activité cérébrale).
Les fréquences générées dans le cerveau résultent de stimuli extérieurs transmis à ce dernier par signaux électriques via nos différents sens. Toutefois, il est possible de favoriser à volonté l’émergence d’un état cérébral spécifique, et ce d’autant plus efficacement grâce à un entraînement adapté.
Ce n’est qu’en 1938 que le médecin et scientifique allemand Hans Berger est parvenu à mesurer effectivement une onde cérébrale, qu’il a baptisée onde alpha, avec une fréquence d’environ 7 à 12 Hz. Son objectif était d’isoler cette « onde de l’apprentissage » afin d’aider les soldats nazis à assimiler plus rapidement leur nouvel équipement militaire. Comme Richard Caton avant lui, Berger devait enfoncer des aiguilles dans le crâne de ses sujets pour obtenir un relevé. Mais, contrairement à Caton, Berger disposait d’un nombre illimité de « rats blancs » humains dont le sort n’intéressait personne. Par chance, malgré sa brutalité, Berger n’a jamais trouvé le moyen de reproduire cette onde ni d’apprendre aux soldats comment la générer.
La prochaine avancée dans la formation accélérée aux ondes alpha, parfois appelée technologie de transe, est apparue dans les années 1970, lorsque le Maharishi Mahesh Yogi a commencé à enseigner la Méditation Transcendantale. « La première forme de méditation que l’on puisse apprendre sans rester assis sur un rocher pendant 20 ans. »
À la fin des années 1980, face à la surcharge croissante d’informations pesant sur les dirigeants d’entreprise, il est apparu évident qu’il fallait maîtriser de nouvelles techniques d’apprentissage plus efficaces.
D’après une étude réalisée à l’époque par la Commission européenne à Bruxelles, un cadre supérieur passait en moyenne 3 de ses 10 heures de travail quotidiennes à lire. Une multiplication par trois de son efficacité en lecture lui ferait gagner 2 heures par jour. Selon la même étude, le coût moyen d’un cadre supérieur pour son entreprise dépasse 200 $ de l’heure ; chaque dirigeant « surboosté » permettrait donc à son entreprise d’économiser 4 000 $ par mois.
En collaboration avec des cadres dirigeants de plus de 100 entreprises internationales, l’Alphalearning Institute a été fondé en 1989 afin de mener un projet de recherche visant à déterminer si l’entraînement aux fréquences cérébrales pouvait augmenter l’efficacité de l’apprentissage.
En testant et en étudiant le cerveau de centaines de personnes très performantes – notamment des cadres supérieurs militaires, gouvernementaux et d’entreprise –, il est devenu possible de découvrir quelles fréquences cérébrales précises étaient nécessaires pour exécuter diverses activités mentales et physiques.
C’était la première étude sur les ondes cérébrales réalisée auprès de « sujets extrêmement performants », plutôt que sur des personnes atteintes de troubles cérébraux connus ou considérées « normales ». Il est vite apparu que les meilleurs éléments dans des domaines comme la lecture, la mémoire, la créativité, la persuasion, etc., utilisaient différentes fréquences d’ondes cérébrales – et que tous présentaient la même analyse de fréquences pour chaque fonction.
Les mêmes tests ont été réalisés auprès de sportifs amateurs et professionnels – golfeurs, tireurs de fosse, athlètes – et les résultats furent identiques : un meilleur équilibre cérébral correspond à de meilleures performances, et la capacité à calmer ce « hurlement intérieur » se traduit par de meilleurs résultats sous pression.
Pour déterminer de quelle manière ces états cérébraux pouvaient être reproduits chez des individus « moins performants », l’Institut s’est penché sur l’ensemble des techniques ancestrales éprouvées visant à équilibrer le cerveau.
Dans de nombreux domaines, les pratiques tibétaines se sont révélées valides une fois que la science s’est dotée de technologies suffisamment avancées pour les étudier. Les Tibétains ont découvert de nombreuses vérités scientifiques par l’observation empirique. Or, ce que la science ne peut pas expliquer, elle est souvent réticente à l’adopter.
Lorsque l’Alphalearning Institute a déclaré, au début des années 1990, qu’il était possible de « réparer » les lésions cérébrales – non pas en réparant des cellules mortes, mais en en faisant pousser de nouvelles –, il s’est heurté à une orthodoxie scientifique vieille de cent ans. Mais en 1999, des chercheurs de l’université de Princeton ont découvert que de nouveaux neurones se forment en permanence dans le cortex cérébral de singes adultes ; on sait aujourd’hui que les êtres humains ne sont pas forcément condamnés à vivre toute leur existence avec le nombre de cellules cérébrales dont ils disposent à la naissance.
Jules Marshall (né en 1962) est journaliste indépendant, spécialisé dans la technologie et la culture, ainsi que concepteur multimédia basé à Amsterdam. Rédacteur chez MEDIAMATIC et contributeur pour le magazine WIRED, il a également publié dans ELLE, THE GUARDIAN (Royaume-Uni), SYDNEY MORNING HERALD (Australie), WIENER (Allemagne) et COURRIER INTERNATIONAL (France).
Aviez-vous lu : “Alphalearning Revolution I” – article de 1995 ?
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